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  • Photo du rédacteurLes lectures de Naé

Premières lignes #2

Dernière mise à jour : 4 mai 2020


Premières lignes est un rendez-vous hebdomadaire réalisée par Ma Lecturothèque. L'objectif ? Partager avec vous les premières lignes d'un ouvrage.


Les 100, tome 1 de Kass Morgan



 

CHAPITRE 1

Clarke

Lorsque la lourde porte coulisse, Clarke sait que l’heure est venue pour elle de mourir.

Les yeux rivés sur les bottes du gardien, elle se prépare mentalement au déferlement de peur panique qui ne va pas manquer de la submerger. Pourtant, tout ce qu’elle ressent lorsqu’elle se redresse sur son lit exigu et décolle de sa peau son chemisier trempé de sueur, c’est du soulagement.

Parce qu’elle a tué un garde, elle a été transférée à l’Isolement. Clarke n’est pourtant jamais vraiment seule. Où qu’elle soit, elle entend des voix. Ces dernières l’appellent de chaque coin de sa cellule sombre. Elles s’immiscent dans les silences qui séparent les battements de son cœur. Elles crient en permanence du tréfonds de son âme. Ce n’est pas qu’elle veuille mourir, mais si c’est la seule manière de faire taire ces voix, alors Clarke est prête à franchir le pas.

On l’a condamnée pour trahison. La vérité est toutefois bien pire. Même si, par miracle, elle était acquittée lors de son second procès, elle ne connaîtrait pas de véritable répit. Ses souvenirs sont plus oppressants que n’importe quelle prison.

Le gardien se racle la gorge, manifestement mal à l’aise.

— Prisonnier matricule 319, levez-vous s’il vous plaît !

Il est plus jeune que ce à quoi elle s’attendait. Son uniforme bleu trop large, pendouillant par endroits sur son corps maigre, trahit son statut de recrue récente. Quelques mois de rations militaires ne suffisent pas à gommer les effets de la malnutrition qui sévit à bord des deux vaisseaux extérieurs de la Colonie, Walden et Arcadia.

Clarke inspire à fond, puis se met debout.

— Tendez les mains ! lui ordonne le gardien en tirant de sa poche une paire de menottes métalliques.

Clarke ne peut s’empêcher de frissonner en effleurant sa main. Elle n’a vu personne depuis son transfèrement, et a encore moins été touchée.

— Elles ne sont pas trop serrées ? demande-t-il d’un ton bourru.

La note de pitié qui y affleure néanmoins lui donne un pincement au cœur. Cela fait si longtemps qu’à part Thalia, son ex-compagne de cellule et seule amie au monde, personne ne lui a témoigné ne serait-ce qu’un brin de compassion.

Elle fait non de la tête.

— Vous pouvez vous asseoir sur votre lit, le médecin ne va pas tarder à arriver.

— Ils… ils le font ici ? s’inquiète Clarke, la voix rauque – cela fait si longtemps, aussi, qu’elle n’a pas parlé.

Si le médecin vient directement dans sa cellule, cela signifie qu’ils ne vont même pas prendre la peine de la juger. Voilà qui ne devrait pourtant pas la surprendre. Selon la loi de la Colonie, les adultes sont exécutés dès la condamnation prononcée. Les mineurs, eux, sont isolés jusqu’à ce qu’ils atteignent dix-huit ans. On leur donne alors une ultime opportunité de plaider leur cause. Mais ces derniers temps, la peine de mort a été appliquée dans les heures qui suivent le verdict, pour des crimes qui valaient acquittement il y a quelques années à peine.

Elle a toutefois du mal à croire qu’ils vont passer à l’acte ici même. Dans un accès de nostalgie un peu masochiste, elle espérait marcher une dernière fois jusqu’à l’hôpital. Elle y a passé tellement de temps comme apprentie médecin… Ce serait sa dernière occasion de goûter à un environnement familier, ne serait-ce que pour sentir à nouveau l’odeur de désinfectant et entendre le bourdonnement de la ventilation, avant d’être privée de ses sens à tout jamais.


 

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